EL-KEF
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ITINERAIRE FACULTATIF

Aux véritables mordus des paysages naturels, de l’ethnographie et de l’archéologie et pour ceux qui disposent de leurs temps et veulent mieux découvrir la ville, un itinéraire facultatif pourrait leur être proposé. On peut découvrir successivement : L’ancien musée, Beb Ghdar, remparts et bastion, esh-Shgega, les grandes citernes, kef el-Yhoudi (tombes et ruines), cimetière chrétien, Qsar el-Ghoula, cimetière israélite (conduite et cimetière paléochrétien), palais présidentiel, el-Qadriya.

Dans ce cas, on prend par la route qui monte en face du musée (rue de Jendouba) vers la ligne des remparts, encore en place, pour arriver devant la seule porte qui en reste : celle de la légendaire poterne de Beb Ghdar. (on passe par la maison du savant astronome keffois : Bin Nsib)

On laisse à droite l’ancien bastion de Burj er-Rwah (ancien camp militaire où l’on avait logé les prisonniers allemands de la IIe guerre mondiale). C’est là que l’on avait aménagé le très joli café panoramique de l’ancien palais présidentiel (aujourd’hui résidence du gouverneur) avec son charmant parc et sa collection de pièces archéologique fort remarquable, provenant soit de la région ou de l’ancien musée des antiquités du Kef (fermé au public). Il faut signaler, à ce propos, que les deux arcs qu’on voit ne sont pas d’origine, elles proviennent en partie de Hr. el-Gousa (Gern Halfaya) et d’une ancienne installation hydraulique romaine de Jewa bin Hadded (ed-Dyr).

Une fois la porte de Beb Ghdar dépassée, on se trouve dans un décor splendide dominé au nord par les falaises rougeâtres du synclinal perché de jbel ed-Dyr. Les lieux, remarquables par le silence et l’envoûtement hiérophanique, dégagent un charme et une quiétude particuliers. La beauté du site, la présence de multiples vestiges archéologiques et de celle, combien significative, des cimetières des trois religions monothéistes, illustrent à merveille ce qu’est un haut lieu. De là aussi, à droite sur le plateau, on domine el-Qasba, la ville et une vaste vue panoramique sur les plaines et les collines des alentours.

  • Beb Ghdar 

  • Esh-Shgega (la fissure, la crevasse) : Le dernier ressaut du synclinal perché de jbel ed-Dyr, avant la formation de l’espace de la ville et au niveau d’une importante faille tectonique, est marqué par une suite de falaises dont la hauteur atteint plus de 20 mètres. Les habitants les avaient désignées par le nom théonymique suggestif d’esh-Shgega, pour désigner l’énorme fissure qui marque la falaise. Celle-ci est marquée de part et d’autre par deux énormes panneaux carrés peints en blanc et contenant trois ronds rouges placés sous forme de triangle renversé. Le mode et la technique de cette peinture incitent à remonter au néolithique. C’est probablement l’un des plus anciens sanctuaires rupestres. On s’y adonnait vraisemblablement au culte primitif de la femme-fissure. Les lieux sont toujours vénérés sous le nom de Lella esh-Shgega, on y sacrifie souvent des poules. Les enfants venaient souvent y taquiner l’écho du fameux tuglilet, une sorte d’oracle local. Le même jeu est fait aussi en face des abris sous roche du canyon de Sidi Mansour, situé plus haut.
  • Les tombes jumelées, situées de l’autre côté de la route en face des citernes et dans le petit bois, sont creusées dans le roc du plateau calcaire. Elles sont aménagées en réalité dans une petite chapelle rupestre avec au chevet deux puits circulaires et un autre à section carrée. C’est l’un des rares exemples d’une sépulture franchement punique, elle devait avoir un rapport étroit avec l’ancien temple d’Ashtart.
  • Le cimetière chrétien : C’est dans ce cadre naturel captivant et probablement pour se rapprocher de la basilique paléochrétienne de Qsar el-Ghoula et d’un antique cimetière chrétien que la communauté chrétienne du Kef, installée après 1881, avait choisi d’aménager son cimetière. On y avait, à l’époque, aménagé une petite crypte. Tout comme un cimetière marin, celui du Kef situé au pied des falaises du Dyr et face à l’étendue des grandes plaines inspire une magie particulière.
  • Le cimetière juif : situé au bas de la petite falaise où s’élevait l’ancien temple de Vénus et caché par le petit bois, le cimetière juif étendait ses tombes en pierre et en marbre où l’on peut lire toute une partie de l’histoire de la communauté israélite du Kef.

Les plus anciennes dalles tombales, les plus proches des remparts, sont curieusement constituées de cippes et de stèles funéraires romaines. Les épitaphes en caractères hébraïques cachent mal les anciennes inscriptions latines. C’est aussi à ce même niveau qu’on avait décelé, non loin de la basilique de Qsar el-Ghoula, des indices d’une ancienne nécropole paléochrétienne, située autrefois à la sortie Est de l’ancienne Sicca sur la voie romaine qui devait mener par ed-Dyr à Castellum…(Nebeur).

Le cimetière est traversé notamment par une ancienne conduite d’eau de l’époque romaine qui garde encore ses puisards.

  • L’ancien palais présidentiel 

Avant qu’il ne devienne la résidence du gouverneur de la région, ce petit palais était le lieu de séjour de l’ancien président de la république : le leader Habib Bourguiba.

Le petit palais qui est en réalité une grande villa moderne appartenait, bien avant l’Indépendance, à la puissante famille Kaddour. Le bâtiment faisait partie de tout un grand quartier, rasé depuis, qui gravitait autour de Zawit Sidi el-Mazouni, la fameuse kubba khadhra. Il était aménagé dans l’enceinte de la partie orientale de la médina, au-dessous de Burj er-Rwah et à proximité de l’ancienne porte Est : Beb esh-Sharfeiin. Tout comme la Zawiya er-Rahmaniyya, ce quartier, formé par la confrérie el-Qadriya, était une véritable cité confrérique. Une suite d’achats de maisons particulières désaffectées permit, petit à petit, la formation et l’extension d’un véritable quartier. Ce vaste complexe se composait de la mosquée, de la zawiya, des maisons des hôtes, celle de la famille du Sheikh, des dépôts, des écuries, des étables, de moulin, de four à pain…Des terrains dégagés servaient de champs aux jeux équestres et aux rassemblements divers plus particulièrement lors des ziaras saisonniers. Par son extension dans le sens de la montée, ce quartier rejoint presque le deuxième complexe confrérique des Rahmaniya, situé sur un pallier plus haut, certains équipements sont partagés par les deux confréries tels que fondouks, place de la foire, café, boutiques…De tout cet ancien quartier, seul la modeste kubba de Sidi Bou Shinshena, englobée dans le parc, témoigne de ce dense tissu urbain de la médina et de la vie qui l’animait.

Zawiya el-Qadriya

Ici devait s’arrêter, en principe, notre exploration à travers les dédales d’une médina pétrie par l’histoire et gardant les témoignages culturels les plus divers et les plus riches d’une très vieille culture, avec sa tradition urbaine et son activité architecturale, certes modestes, mais toujours continue. C’est cette richesse exceptionnelle qui justifie bien une visite et un séjour au Kef.

L’ancien musée des antiquités du Kef
Bien avant que Tunis ne connaisse la création du musée Alaoui (Bardo), el-Kef disposait déjà, grâce à B.Roy et aux officiers de la garnison de la place du Kef, d’un véritable musée des antiquités. La plupart de ses pièces provenait soit des fouilles de Roy pratiquées dans la ville même ou collectées aux environs de celle-ci. Le musée était installé dans les locaux de l’ancien Dar el-Bey. Il était signalé et décrit par Cagnat et Saladin lors de leur séjour dans la ville. Suite au départ de Roy pour Tunis et à la constitution du musée de Bardo, on avait dû déménager et vider celui du Kef. Le premier catalogue du musée national signale souvent la provenance keffoise du premier noyau. Les pièces qui n’avaient pas quitté la ville était exposées dans l’ancien Contrôle Civil (l’actuel siège du Gouvernorat), c’est parmi ces dernières qu’on avait constitué la collection qui est actuellement exposée dans le parc du café panoramique de Burj er-Rwah.

Beb Ghdar 

La naissance de la légende de Beb Ghdar (porte de la trahison) avait fait couler beaucoup d’encre et donné lieu à des multiples versions très souvent fantaisistes. Ce n’est ni du temps des Français (1881) ni du temps des Espagnols (XVIe s.), comme le soutenait Renault, que cette porte avait pris son nom de Beb Ghdar. Les Espagnols n’ont jamais atteint el-Kef, quant aux Français, nous savons, par plusieurs documents, qu’ils n’avaient jamais investi la ville de ce côté, d’autant que le relief et le sens de leur arrivée ne permettent nullement cette assertion. Pour mettre fin à cette fausse légende associée à l’occupation française, nous disposons d’un plan de la ville daté de 1837 et bien antérieur à cet événement sur lequel est figuré le nom de Beb Ghdar.

On doit donc chercher ailleurs l’origine de l’appellation. Dans l’état actuel de nos connaissances, on peut avancer deux explications. Il est permis, tout d’abord, d’admettre que le nom de Beb Ghdar est, comme pour celui de Tunis, un nom conventionnel, celui d’une poterne. Celle-ci devait avoir, dans l’ensemble des dispositifs défensifs, une fonction bien précise, celle d’aménager, dans une partie discrète du relief, des issues secrètes destinées, au cours des sièges, à faciliter les entrées et les sorties des assiégés. La situation particulière de Beb Ghdar, camouflé dans un plissement (faille tectonique), lui assigne cette vocation. El Qasba du Kef disposait par ailleurs de deux poternes secrètes situées sur le côté nord.

Un fait historique bien réel qu’avait connu cette partie de la ville pourrait donner lieu également à cette légende de Beb Ghdar. C’était au cours du siège de la ville, au début du mois de juin 1756 (8-9 ramadhan 1169), par les fils de Hsin bin Ali et l’armée algérienne lorsqu’on avait choisi cette partie, surplombant la ville et sa Qasba, pour assiéger, attaquer et investir ces deux dernières. Le fait est rapporté par le chroniqueur M.-S. Bin Yousif qui indiquait les lieux sous le nom de Dwemis es-Skhar (litt. les grottes du rocher), par allusion aux grandes citernes construites aux pieds de la falaise calcaire d’esh-Shgega.

 

 

 

Madame Brad

Le cimetière juif du Kef est appelé aussi "La maison des vivants ". On garde encore, à l’entrée du cimetière, le souvenir d’une tombe de forme cylindrique au nom de Madame Brad. On raconte que cette dernière, mariée à un colonel français, mourut en court d’accouchement. La coutume voulait que les personnes bannies par la communauté soient enterrées loin des tombes juives. On jetait alors du haut du cimetière une pelle et on ensevelit la défunte là où elle atterrissait. Malgré toutes les tentatives, la pelle tombe toujours à l’entrée du cimetière, c’est là qu’en désespoir de cause on avait fini par enterrer Madame Brad dont la tombe était devenue objet de vénération. (tiré du Bulletin d’information des Juifs originaires du Kef en Tunisie (A.J.O.K), juin 1994, n°1, p.6)

 

 

Habib Bourguiba et el-Kef

Habib Bourguiba aimait particulièrement séjourner au Kef, aussi bien pour des raisons affectives que sanitaires. H. Bourguiba connaissait el-Kef à l’époque de sa prime jeunesse, il résidait souvent chez son frère où il bénéficiait d’une cure qui devait le revigorer. Il avait notamment connu el-Kef à l’époque où il militait pour la cause nationale. Son action était fortement soutenue par les militants nationalistes de la ville et de la région. Son attachement au Kef était tel qu’il y confiait, lors de son emprisonnement, sa femme et son unique fils. Fidèle à cette amitié, Bourguiba résidait régulièrement au Kef, pendant les années soixante. La ville était, dés lors, transformée en un véritable centre politique, économique et culturel. La ville devait recevoir à l’époque la visite d’importantes personalités politiques (Allala el-Fesi, Fanfani, E.Faure, Saumagne) et artistiques (Yousif Wahbi, Houyem Younis).